La grisaille et la fraîcheur d’un mercredi d’hiver n’y ont rien changé. Ils sont près d’une centaine - collaborateurs de Paprec, du Crédit Mutuel Arkéa, membres de l’équipe, amis et curieux - à s’être donné rendez-vous à Lorient La Base. En ce 22 février, l’équipe lève le voile sur 20 mois de travail, dont 16 de chantier à l’abri des regards : elle met à l’eau son monocoque, et l’instant est forcément riche en émotions. Grâce au soutien de ses deux partenaires, Paprec et le Crédit Mutuel Arkéa, Yoann Richomme fait son entrée dans la classe IMOCA avec un bateau flambant neuf et très prometteur.
« Cette mise à l’eau était hyper plaisante, un mélange de fierté, d’enthousiasme et une pointe d’inconnu aussi », confie le navigateur. Le bateau, avec son cockpit fermé atypique, son étrave fine, ses foils conçus pour résister à une mer formée, se veut novateur à plus d’un titre. Il est issu d’une réflexion commune entre Antoine Koch, le cabinet Finot-Conq et le bureau d’études de l’écurie Paprec Arkéa. Un monocoque puissant et élégant, pensé pour être à la hauteur d’une ambition commune : emmener Yoann au sommet de l’Everest des mers, le Vendée Globe, en novembre 2024.
« Ce projet, une grande aventure collective »
L’IMOCA est un sistership du bateau de Thomas Ruyant, lui aussi construit au chantier Multiplast. « On a su s’inscrire dans les pas de l’équipe de Thomas, en étant conservateur sur certains choix. Et dans le même temps, on s’est montré audacieux sur certains aspects grâce au travail de notre bureau d’études », souligne Romain Ménard. Cela se constate en découvrant le cockpit : tout en étant entièrement fermé et en protégeant le skipper, il offre une large vision sur l’extérieur. « Avec du recul, nous avons été vraiment précurseurs en la matière », confie le skipper. « Ce cockpit, c’était du jamais-vu et c’est une des clés de la réussite du bateau lors des navigations en solitaire », précise Romain Ménard.
En avril, l’IMOCA Paprec Arkéa est baptisé à Lorient. La championne olympique de handball, Pauline Coatanéa, et le rugbyman international Damian Penaud sont de la partie. Cet instant symbolique est un nouveau moment fort en symbolique pour les sponsors, collaborateurs, clients et administrateurs. Le soutien de Paprec et du Crédit Mutuel Arkéa est en effet total et perceptible au quotidien. « Ce sont des entreprises qui comptent de nombreux passionnés de course au large, rappelle Yoann. Ils connaissent l’exigence et la beauté de ce sport ». Sébastien Petithuguenin, directeur général de Paprec, évoque alors sa « fierté de contribuer à ce projet qui symbolise l’excellence navale à la française, qui implique tant de savoir-faire. ». Un enthousiasme partagé au sein du Crédit Mutuel Arkéa. Julien Carmona, son président, saluant « une étape clé de ce très beau projet humain, collectif et technologique » et « une aventure (…) qui nous guidera jusqu’au départ du Vendée Globe l’an prochain ».
« Yann Eliès nous a mis sur de bons rails »
Après la théorie, place à la pratique. Pour accompagner Yoann dans ses premiers bords à la barre du bateau, l’équipe bénéficie de l’expertise de l’expérimenté Yann Eliès. « C’est génial qu’il ait été là. Yann nous a mis sur de bons rails, il a contribué à ce qu’on ne perde pas de temps, à ce qu’on identifie au plus vite nos points faibles pour continuer à progresser ». Les premiers résultats sont encourageants : après une 6e place à la Bermudes 1000 Race, le duo se démène aux avant-postes sur la Rolex Fastnet Race.
Malgré des conditions dantesques au départ, Yoann et Yann restent au coude-à-coude avec le leader, MACIF (Charlie Dalin et Pascal Bidégorry), et terminent 2es avec seulement quatre minutes de retard. Déjà, tous louent la qualité du nouvel IMOCA, à la fois bien né, fiable et marin. Après trois compétitions (en comptant le Défi Azimut, 4e), et un suivi attentif de la solidité du bateau, quelques modifications structurelles sont apportées afin de répondre aux exigences d’un monocoque qui dépasse les prédictions de vitesse. « Nous avons effectué deux chantiers de renfort, avant et après l’été, c’était une vigilance de tous les instants », précise Yoann.
Deux transatlantiques, entre ambition et raison
L’expérience acquise et le travail conséquent réalisé par toute l’équipe permettent d’aborder la suite avec enthousiasme. Pourtant, le programme est corsé : neuf mois après la mise à l’eau, deux transatlantiques sont prévues : la Transat Jacques Vabre (avec Yann Eliès) et le Retour à la Base, en solitaire, course qualificative pour le Vendée Globe. Un enchaînement inédit et particulièrement sollicitant pour les organismes comme pour les bateaux, qui oblige à redoubler de prudence en toutes circonstances. Yoann sourit et assure qu’il attaquera « avec la poignée dans le coin ».
Avant le top départ, l’heure est au partage avec le plus grand nombre. Collaborateurs, administrateurs, clients de Paprec et du Crédit Mutuel Arkéa ainsi que de nombreux adeptes se pressent au village pour découvrir la station Paprec Arkéa”, une reproduction du cockpit du bateau à l’échelle 1 munie d’écrans qui permettent de s’immerger au cœur du quotidien en course. Une expérience « immersive et innovante », selon Romain Ménard, qui fait le plein chez les visiteurs et contribue, surtout, à fédérer autour du projet et à pousser un maximum de personnes à suivre les deux skippers d’alors.
Dès le top départ, ils ne furent pas déçus ! Alors qu’ils visaient le “Top 5” pour la première transatlantique de leur bateau, Yoann et Yann sont systématiquement en tête de flotte. Le binôme fonctionne à merveille et s’offre à l’arrivée une incroyable deuxième place, à seulement 4 h 08 min des vainqueurs. « Nous avons beaucoup appris, apprécie Yoann. Il y a une fierté à avoir réussi cette mission collectivement et que le bateau soit en bon état. »
Le Retour à la Base, l’incroyable victoire
La suite est une nouvelle course, contre-la-montre cette fois. En Martinique, l’équipe s’emploie sans compter pour réparer le bateau et le renforcer encore, en vue d’une autre transatlantique, le Retour à la Base, disputée d’ouest en est et en solitaire. « Je me souviendrai toujours de l’effort de chaque membre de l’équipe à ce moment-là », assure Yoann.
Le skipper de Paprec Arkéa peut se concentrer sereinement sur la course, et ça paie. Onze mois après la mise à l’eau de l’IMOCA et à l’issue d’une course rondement menée, qu’il a dominée une grande partie, Yoann signe une victoire de prestige. Elle s’ajoute à ses deux Solitaires du Figaro (2016, 2019) et ses deux Route du Rhum (2018, 2022). « Ce qui est génial, c’est qu’on a eu des conditions qui s’apparentaient à celles des mers du Sud, se souvient-il. Et pour la première fois, on a vu le plein potentiel du bateau ».
Ce succès, et l’explosion de joie concomitante, valident en effet la réflexion du bureau d’études sur le dessin du bateau et sur ce cockpit si innovant. « Le design de ce bateau est exceptionnel, il est au-dessus de ce qui s’est fait ailleurs, c’est une chance », explique alors Yoann, qui rappelle également sa fierté d’évoluer avec des partenaires aussi bienveillants et une équipe aussi impliquée.
En l’espace de onze mois, une équipe est née
La victoire fait en effet du bien à tout le collectif Paprec Arkéa qui n’a pas ménagé ses efforts. « Dans le même temps, on a vécu une crise de croissance au sein de l’équipe, révèle Romain. Nous sommes passés en un an à un effectif de 15 personnes. Il a fallu créer une culture collective, un vécu commun et on s’est rendu compte que ça prenait du temps ».
De ces difficultés émerge l’idée, plus forte que jamais, d’avoir toujours un coup d’avance, de se projeter sur les problématiques à venir. « Depuis, notre force a toujours été d’anticiper », précise Romain. « Le timing était tellement serré que ça rendait la prise en main, la fiabilisation, la montée en puissance délicate, ajoute Yoann. Mais c’est ça qui a fédéré l’équipe, ce qui nous a renforcés en tant qu’équipe ». Un enchaînement durant lequel ils ont toujours bénéficié du soutien sans faille de Paprec et du Crédit Mutuel Arkéa. Car en parallèle, la saison est un modèle de régularité (deux 2e place et une victoire). Des résultats sportifs exceptionnels pour un monocoque mis à l’eau moins d’un an plus tôt, et un skipper qui n’avait encore jamais navigué de façon aussi conséquente à bord d’un IMOCA.
En l’espace de onze mois donc, une équipe est née et elle est déjà récompensée. Rien de mieux que de conclure par un succès pour se projeter avec enthousiasme sur la saison 2024, marquée par deux transatlantiques (The Transat CIC et New York - Vendée) avant le Vendée Globe.
Mais avant, la saison 2023 s’achève par un sourire, celui de Yoann, hilare dans sa combinaison rouge à l’arrivée du Retour à la Base, qui dit tout de la fierté à propos du chemin déjà parcouru.
LES TEMPS FORTS DE L’ANNÉE 2023
Février : mise à l’eau de l’IMOCA
Avril : baptême de l’IMOCA
Mai : 6e de la Guyader Bermudes 1000 Race
Juillet : 2e de la Rolex Fastnet Race
Septembre : 4e du Défi Azimut
Novembre : 2e de la Transat Jacques Vabre
Décembre : 1er de Retour à la Base
LES STATISTIQUES DE L’ANNÉE
Rolex Fastnet Race : 2e à 4 minutes de la 1e place ; 1er bord en course à plus de 30 nœuds
Transat Jacques Vabre : 1ère transatlantique et 1er podium
Retour à la Base : 1ère course en solitaire en IMOCA et 1ère victoire